CAS CLINIQUE N°1
L‘importance de réformer l’assiette des athlètes avant de prendre des compléments pour améliorer la performance
Article rédigé par Anne-Christine DUSS – Nutritionniste, Genève
Les compléments alimentaires sont souvent perçus comme des solutions rapides pour améliorer les performances sportives. Cependant, il est essentiel de rappeler que la base d’une bonne santé et d’une performance optimale repose avant tout sur une alimentation équilibrée. Pour un athlète, en particulier ceux engagés dans des épreuves d’endurance telles que l’Ironman, un rééquilibrage de l’assiette peut avoir des effets spectaculaires. En effet, un des athlètes que je suis a vu une amélioration de 20 minutes dans son temps de course sans modifier ses entraînements, simplement en ajustant son alimentation.
1. La base : les macronutriments et micronutriments
Avant même d’envisager la prise de compléments, il est crucial de s’assurer que l’alimentation quotidienne apporte les nutriments nécessaires. Les macronutriments (protéines, glucides et lipides) sont la base énergétique de toute activité physique. Leur équilibre joue un rôle primordial dans la gestion de l’énergie, la récupération, et la prévention des blessures.
Les protéines, essentielles pour la réparation musculaire, doivent être réparties de manière adéquate tout au long de la journée, en particulier avant et après l’entraînement. Quant aux glucides de qualité (IG bas), ils sont la principale source d’énergie pour les efforts intenses et de longue durée, comme c’est le cas lors d’un Ironman. Enfin, les lipides, souvent négligés, jouent un rôle clé dans l’endurance et la récupération, notamment grâce aux acides gras oméga-3.
L’ajustement précis de ces macronutriments, basé sur les besoins individuels de l’athlète et son métabolisme, permet de maximiser les performances sans avoir recours immédiatement à des compléments.
2. Pourquoi l’équilibre alimentaire précède la supplémentation
L’idée que les compléments peuvent compenser une alimentation déséquilibrée est fausse. Même les meilleurs suppléments ne remplaceront jamais une alimentation variée et équilibrée. De plus, une consommation excessive ou inappropriée de suppléments peut entraîner des effets secondaires indésirables, comme des déséquilibres hormonaux, des carences en certains micronutriments, ou une surcharge de travail pour les reins et le foie.
Une alimentation réformée et adaptée permet également de réguler les niveaux d’énergie de manière plus constante tout au long de la journée. En améliorant les apports alimentaires, on favorise non seulement la performance sportive, mais aussi la récupération et la qualité du sommeil, deux aspects souvent sous-estimés dans les programmes d’entraînement.
3. Quand les compléments deviennent utiles
Ce n’est qu’après avoir stabilisé l’alimentation de l’athlète qu’il peut être pertinent d’envisager des compléments. Ceux-ci ne doivent jamais être utilisés comme substituts à une alimentation défaillante, mais plutôt comme un soutien pour combler des besoins spécifiques. Par exemple, lors de périodes de surentraînement ou pour faire face à des carences identifiées via des bilans biologiques.
Les suppléments de créatine, de protéines / acides aminés de qualité en poudre, ou encore de vitamines et minéraux peuvent alors être utilisés de manière ciblée pour maximiser les bénéfices de l’entraînement. Mais encore une fois, ces ajouts doivent être intégrés dans un cadre alimentaire solide.
4. L’importance des analyses fonctionnelles avant la prise de compléments
Avant de considérer l’ajout de suppléments à une alimentation, il est crucial de procéder à des analyses fonctionnelles détaillées. Ces tests permettent de dresser un état des lieux précis de la santé de l’athlète et d’identifier d’éventuelles carences ou déséquilibres métaboliques. En se basant sur des données objectives, il est possible d’éviter la prise de compléments inutiles, voire potentiellement néfastes. Voici les principales analyses à considérer :
Analyses sanguines
Un bilan sanguin complet permet de mesurer des indicateurs essentiels comme le taux de fer, la ferritine (réserve de fer), les vitamines (D, B12), les minéraux (magnésium, calcium), et les marqueurs d’inflammation (protéine C-réactive). Chez les athlètes, ces paramètres sont souvent sollicités à des niveaux élevés, et une carence peut se traduire par une baisse de la performance ou une fatigue accrue.
Par exemple, un déficit en fer est courant chez les athlètes d’endurance en raison des pertes via la sueur et les microtraumatismes musculaires. Dans ce cas, la prise de compléments en fer peut être indiquée, mais uniquement si le besoin est confirmé par des analyses.
Profil hormonal
Les tests hormonaux peuvent révéler des déséquilibres qui affectent la performance et la récupération. Des niveaux anormaux de cortisol (l’hormone du stress) peuvent indiquer un surentraînement ou une mauvaise gestion du stress. De même, la testostérone et l’œstradiol, essentiels pour la régénération musculaire et la vitalité, doivent être surveillés.
Ces informations permettent d’ajuster l’entraînement et, dans certains cas, de recommander des compléments spécifiques (comme des adaptogènes pour réguler le stress) si des déséquilibres sont détectés.
Test de la fonction thyroïdienne
La glande thyroïde joue un rôle clé dans la régulation du métabolisme, de la température corporelle et de l’énergie globale. Un dysfonctionnement de la thyroïde, souvent détecté par un dosage de la TSH (hormone stimulant la thyroïde), peut ralentir le métabolisme, entraîner une prise de poids, de la fatigue et une baisse de la performance.
En cas d’hypothyroïdie, des interventions nutritionnelles (comme l’apport en iode ou en sélénium) peuvent être recommandées avant toute supplémentation hormonale ou autre.
Mesure de l’équilibre acido-basique
L’analyse du pH urinaire peut fournir des indications sur l’équilibre acido-basique de l’organisme. Un excès d’acidité peut être causé par un régime trop riche en protéines animales ou en glucides raffinés, et peut entraîner une inflammation chronique, diminuant ainsi la performance et la capacité de récupération. Dans ce contexte, l’alimentation alcalinisante, riche en légumes et en fruits, est souvent recommandée avant d’introduire des compléments comme le bicarbonate de soude.
Analyse de la composition corporelle avec un impédancemètre
L’impédancemétrie permet d’analyser la répartition de la masse graisseuse, de la masse musculaire et du taux d’hydratation. Cela aide à ajuster l’apport alimentaire en fonction des besoins spécifiques de l’athlète, en évitant le recours précipité aux compléments protéinés ou hydratants. Pour un athlète d’endurance comme un Ironman, ces données sont cruciales pour optimiser les performances tout en maintenant un équilibre corporel sain.
Des compléments sur mesure, basés sur des données scientifiques
En procédant à des analyses fonctionnelles précises avant toute prise de compléments, il est possible de personnaliser les recommandations nutritionnelles et de supplémentation. Chaque athlète a des besoins uniques en fonction de son métabolisme, de son environnement et de son programme d’entraînement. Les analyses permettent d’identifier les déséquilibres spécifiques à corriger par l’alimentation ou, si nécessaire, par des compléments. Cela assure une approche sécurisée et ciblée, évitant tout excès et optimisant la performance de façon durable.
5. Un exemple concret : amélioration des performances grâce à un rééquilibrage alimentaire et des analyses biologiques
Dans le cadre de mes consultations, j’ai suivi un athlète Ironman qui, sans changer son programme d’entraînement, a réussi à améliorer son temps de course de 20 minutes simplement après un rééquilibrage alimentaire de base. Cet ajustement initial portait sur la qualité et la répartition des macronutriments (protéines, glucides, lipides) tout au long de la journée. L’objectif n’était pas seulement d’apporter suffisamment de calories, mais surtout de garantir que chaque nutriment soit consommé au bon moment et dans les bonnes proportions, tout en conservant le plaisir de manger, un facteur essentiel pour la santé mentale et la motivation de l’athlète.
Après ce premier rééquilibrage, l’athlète a rapidement ressenti une diminution de la fatigue dont il se plaignait lors de notre première rencontre. Ce résultat a démontré que la réforme de l’assiette est une étape fondamentale avant de songer à d’autres interventions. Cependant, pour aller plus loin, nous avons décidé de procéder à des analyses biologiques pour comprendre encore mieux cette fatigue persistante.
Les tests biologiques ont révélé des éléments supplémentaires qui nous permettent d’affiner le rééquilibrage, non seulement au niveau des macronutriments, mais également des micronutriments, en ajustant les apports en oligoéléments et acides gras essentiels de qualité (analyse des acides gras érythrocytaires).
Ce processus de suivi personnalisé, basé à la fois sur l’expérience de l’athlète et sur des données scientifiques, permet d’éviter une surcharge de compléments inutiles et de soutenir efficacement ses performances.
Conclusion
La réforme de l’assiette est une priorité avant d’envisager la prise de compléments chez les athlètes, même dans des disciplines exigeantes comme l’Ironman. En optimisant les apports nutritionnels, non seulement la performance s’améliore, mais le corps récupère mieux et prévient les blessures. Le cas de l’athlète Ironman mentionné démontre que des ajustements nutritionnels bien pensés peuvent avoir un impact mesurable et significatif, sans avoir besoin d’ajouter des compléments de manière systématique.